Saint GRELICHON

 Texte tiré de: couv_mysteres_v

 

Puisque nous sommes à Bourbon-l'Archambault, évoquons un autre saint longtemps vénéré dans cette ville: il s'agit de saint Grelichon. Il a d'ailleurs sa rue, qui est en pente raide et qui conduit de la route de Couzon aux ruines du vieux château. À un angle, dans une niche surélevée au bas de la rue, il y eut durant des années une statue du saint.

Aujourd'hui, sur le côté droit en montant, à hauteur d'un premier étage, vous découvrirez une petite statue qui est une statue du saint, plutôt une réplique que personne ne peut atteindre.

En ce temps-là, on venait de toute la région implorer ce saint, lorsque le ménage ne pouvait avoir d'enfant. Comme la plupart du temps, c'est la femme qui est accusée d'être inféconde, ce qui était vrai hier l'est encore aujourd'hui, les épouses venaient en pèlerinage à Bourbon. Là, elles allaient d'abord prier à l'église, puis elles descendaient au centre du bourg, ensuite elles gagnaient la rue et la statue du saint.

Le cérémonial était toujours le même. Arrivées près de la statue, les femmes grattaient avec leur couteau une certaine partie de saint Grelichon. Elles obtenaient une certaine poudre qu'elles versaient dans un bon vin blanc qu'elles laissaient macérer. Elles buvaient le breuvage obtenu avec l'espoir au cœur.

Il arrivait un moment où, à force d'être raclée, la statue s'amincissait et perdait sa forme. Qu'à cela ne tienne, une cheville neuve remplaçait l'ancienne, et le système continuait. Pour les femmes, le résultat était le même, donc supposé être satisfaisant.

Un beau jour, l'archevêque de Bourges, dont alors dépendait Bourbon-l'Archambault, interdit de telles pratiques. Rien n'y fit, et les pèlerinages se succédèrent jusqu'au XIXe siècle. À ce moment, le curé de Bourbon, désapprouvant particulièrement ces pratiques, fit enlever la statue, qui fut transportée dans un grenier. À la place, le curé fit mettre une statue en faïence.

Cela n'arrêta rien. Les femmes stériles continuèrent de venir supplier saint Grelichon, mais, n'ayant plus rien à gratter, elles se mirent à faire des trous sur la niche. Cela donnait une poudre, et l'on fit comme avec la sciure, une mixture qu'elles burent.

Quand les trous étaient trop profonds, on les bouchait avec du plâtre. Mais on s'aperçut rapidement que l'effet sur la stérilité des femmes était moins satisfaisant qu'auparavant.

Vraiment excédé par les pratiques, le curé prit une décision énergique: il supprima la statue du saint qui vint échouer chez une vieille femme qui habitait la maison voisine.

Ce fut un défilé chez celle-ci, gardienne de la statue. Elle avait mis un tronc et chacune y allait de son obole. Elle ne gagna pas une fortune puisque, à l'heure de sa mort, on vendit ses meubles, y compris la statue. Mise à prix deux francs, les enchères montèrent, et elle fut adjugée quinze cents francs.

Qu'est elle devenue? Nul ne le sait. Au musée, vous verrez une petite statue de saint Grelichon en métal qui fut, nous a-t-on assurés, exposée un temps dans la rue de Saint-Grelichon. Elle porte quelques traces de grattage. On nous a dit qu'un jour la responsable du musée surprit une personne en train de frotter saint Grelichon pour récupérer de la sciure de fer. Elle l'expédia hors du local!

Il y a une autre statue, en buis, dans le jardin de l'hôtel Montespan- Talleyrand, à deux pas du musée. Celle-ci est un peu plus grande.

Si, aujourd'hui, elle n'a plus de sexe, il n'en fut pas toujours ainsi. À l'emplacement, il y avait un trou et on y fixait une cheville de bois qui en faisait office. Les visiteurs prenaient plaisir à caresser cette cheville de bois en espérant être entendu de saint Grelichon. La fréquentation était telle que cette cheville s'usait et aussitôt on la remplaçait.

Les curistes fréquentant l'hôtel de Montespan étaient d'abord venus à Bourbon-l'Archambault pour soigner leurs rhumatismes. Ils ont été étonnés de pouvoir espérer de leur séjour des bienfaits inattendus.

Les propriétaires actuels de l'hôtel réputé pour sa table, et donc sa cuisine, ont mis un terme à cette pratique où la religion, selon eux, n'avait rien à voir.

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